Écriture

Lettres a ses amis
Éditions Gallimard, 1995,
715 pp. (en collaboration avec Joseph Brami)

Lettres a ses amis
Le Grand Livre du Mois, 1995

Lettres a ses amis
Éditions Gallimard, Collection Folio, 1997, 921 pp.

Lettere ai contemporanei
Torino: Einaudi, 1995

Lettres Dutch
Amsterdam, Anvers: Uitgeverij De Arbeiderspers, 2000,
284 pp.

Cartas a sus amigos
Madrid: Alfaguara, 2000

Lettres Greek

Marguerite Yourcenar
Lettres à ses amis et quelques autres


Édition établie, présentée et annotée par Michèle Sarde et Joseph Brami avec la collaboration d'Élyane Dezon-Jones

Cette toute première anthologie de lettres de Marguerite Yourcenar permet d'assurer la force de son engagement au monde et réserve bien des surprises posthumes.
Journal intermittent, la correspondance accomplit ici ses trois fonctions essentielles : accompagner la femme hors de l'œuvre, accompagner l'auteur dans l'œuvre, faire œuvre. Autoportrait au quotidien ou exercice de connaissance de soi, les Lettres à ses amis et quelques autres content l'intimité de l'exilée de Mount Desert Island, ou de la voyageuse qui fait « le tour de la prison » depuis la première lettre enfantine jusqu'au mot qui précède la mort.

Courroie de transmission entre la femme de chair et la femme de plume, ces lettres ne décevront pas ceux qui s'intéressent avant tout aux secrets de fabrication, aux coulisses des œuvres.

Elles réveilleront chez les lecteurs de Marguerite Yourcenar d'anciens plaisirs de lecture, renouvelés par un genre littéraire où ils ne la connaissent pas encore mais où ils la reconnaîtront.
Quatrième de couverture, Éditions Gallimard

« Lettres à ses amis et quelques autres, le premier tome de la correspondance à ce jour publiée de Marguerite Yourcenar, porte à son comble ce double paradoxe, qui renvoie in fine à la construction d'une identité de soi à la fois littéraire et culturelle. »
Bruno Blanckeman, « Marguerite Yourcenar, femme de lettres. Sur la correspondance de l'écrivain », Publif@rum, 2, 2005
« L'ensemble restitue une femme à la fois proche et réservée, tour à tour altière et spontanée, ni conforme ni surprenante au vu de sa légende. On sera gré aux deux éditeurs de cette découverte qui ressemble à des retrouvailles, tant la voix est inchangée entre l'œuvre littéraire et ce journal intermittent. »
Philippe-Jean Catinchi, Le Monde
« Cette correspondance posthume, rassemblée par Michèle Sarde et Joseph Brami, nous fournit des précisions sur le labeur quotidien de celle qui restera pour beaucoup un symbole : celui de la première femme élue à l'Académie. »
Martine de Rabaudy, L'Express
« La richesse de cette correspondance de Marguerite Yourcenar éclaire la personnalité complexe de l'écrivain tout autant que les biographies. »
Bruno de Cessole, Le Figaro
« Ces Lettres à ses amis et quelques autres apportent, grâce aussi à ses à leurs pertinents préfaciers, un éclairage puissant sur cette figure impénétrable, cachée sous le masque littéraire du pseudonyme. »
Claude Arnaud, Le Point

Extrait de la préface :
À quoi pensait Marguerite Yourcenar entre 1980 et 1987, année de sa mort, tandis qu'elle triait et sélectionnait en les jetant au feu dans la cheminée de Petite Plaisance les copies de ses lettres destinées à être laissées derrière elle ? À quoi pensait Grace Frick, sa traductrice et compagne de vie américaine, pendant les quarante années où elle recopia, résuma, commenta, et censura les missives de l'écrivain, estampillant ainsi chaque document de son visa de passage ?

Certes, nous ne connaissons pas dans le détail leurs états d'âme et leurs critères de sélection mais nous pouvons les reconstituer à partir de leurs démarches respectives qui, opposées finirent par s'annuler L'une, Yourcenar a cherché plutôt à éliminer tandis que l'autre, Grace, a le réflexe de la conservation : le résultat est une œuvre commune où les deux femmes ont voulu à l'évidence réduire autant qu'elles le pouvaient la part du hasard.

Sur ce terrain déjà miné par les sélections antérieures des deux intéressées, nous avons dû opérer de nouveaux choix. Car cette première édition en volume de la correspondance de Yourcenar est, comme elle l'avait désiré elle-même, partielle. Sur une riche matière épistolaire, nous avons dû à notre tour opter, n'ignorant pas que tout choix implique une hécatombe de possibilités. Nous nous sommes néanmoins donné pour règle de ne pratiquer aucune coupure.

Conscients de l'arbitraire de toute sélection, nous avons recherché pour cette première édition un équilibre entre les différentes parties de la vie de Marguerite Yourcenar et les différentes facettes de sa personnalité. Nous avons voulu qu'apparaisse l'écrivain à côté de la femme, sans que celle-ci soit sacrifiée à celui-là, un écrivain soucieux jusqu'au scrupule d'accompagner et d'éclairer son œuvre, un écrivain que nous surprenons à l'œuvre dans son activité d'épistolière. [...]

Le projet même de publication d'une anthologie de lettres posthumes avait été clairement formulé par Yourcenar à ses proches et prophétisé à plusieurs reprises dans la correspondance elle-mëme : « Dans un recueil posthume, les divers points de vue exprimés par l'écrivain se complètent et s'expliquent les uns par les autres, et personne ne se scandalise que chaque sujet en particulier soit traité de façon plus ou moins hâtive, plus ou moins partielle, et plus ou moins amicalement biaisée par les intérêts et la personnalité de la personne à qui l'on écrivait » 1.

Ainsi Yourcenar qui nous avertit de tout, nous fait-elle savoir par différents moyens que le chemin qui mène à elle, à son œuvre, à sa vie, n est pavé que des pierres qu'elle a eu la bonne intention de poser pour nous, qu'elle nous a, à sa guise, préparé la voie. [...]

Cette correspondance qui nous la restitue dans son quotidien de « bonne dame de Petite Plaisance », en lui traçant des limites, lui rend son pesant d'humanité, et permet à l'altière Marguerite de Crayencour de revendiquer son droit à l'erreur, à l'équivoque, voire à la banalité. Elle lui permet, malgré la méfiance par ailleurs affichée à l'égard de son propre sexe, de se revendiquer comme femme dans le sens le plus traditionnel et le plus restrictif. Une femme qui fait la cuisine, le pain de temps en temps, sarcle les mauvaises herbes, ratisse le jardin, raccommode sa lingerie, cause avec la blanchisseuse, le jardinier ou la femme de journée et voit dans ces servitudes féminines une « école de réalité immédiate », une sorte de « Tao quotidien ».

À cet espace de confidentialité qu'est la lettre, lieu de partage et d'intimité, où les incidents les plus infimes ont le même statut que les analyses littéraires ou philosophiques les plus sophistiquées, équivalent d'une conversation où, au dire de ses amis, elle excellait, la Yourcenar de L'(Euvre au Noir ou même des Essais et mémoires ne nous avait pas habitués. On ne lui est que plus reconnaissant, en attendant la publication de correspondances entrecroisées, de nous avoir ménagé cette surprise posthume.
1 À Jean Mouton, 14 mars 1970.

Michèle Sarde & Joseph Brami